20 mars 2012 10h10.

L'équipe médicale me félicite. Je suis maintenant reliée à la pompe. Je ne sais pas pourquoi mais je me mets à pleurer lorsque j'entends " Félicitation tu es maintenant une pompée ! " Ils comprennent. Une me tend un mouchoir, l'autre me dit que ce n'est pas rien, que je suis courageuse.  J'ai fais le grand saut. La saga avec les assurances est terminée & le jour où j'avais si hâte d'aller à la rencontre d'un nouveau traitement pour mon diabète est enfin arrivé. L'air est bon & j'ai l'impression que le mois de mars me couvre d'une couverture tiède pour me réconforter.

Je repars à la maison la tête pleine d'information et je doute des capacités de ma mémoire à me souvenir de tout les petits détails qu'on m'a plutôt expliqué lors d'un changement de cathéter. Serai-je capable ? Et si je me trompais... Les questions se bousculent, mes réponses ne viennent pas, mon silence en dit long sur cette première journée. J'ai l'impression d'avoir reçu, pour une deuxième fois, le diagnostique du diabète. 

Ma grande fatigue trahie mon stress. Je n'arrive pas à récupérer cette belle énergie que j'avais il y a quelques mois lorsque j'ai pris cette décision.  

Pourtant, je sais que ma vie sera meilleure et que j'aurai une grande liberté comparativement aux multiples injections par jour. Mais je ne savoure pas encore ces moments. Ma frustration viendrait-elle de ma nouvelle vulnérabilité ? Pensais-je tout savoir, tout de suite ? 

Je lis beaucoup de témoignage de ceux qui ont une pompe tout comme moi & il n'y a aucune trace de ce que je ressens. Docteur, est-ce normal ?Étais-je vraiment une bonne candidate ? En regardant le calendrier ce matin j'ai été surprise de voir " 23 mars ". Je ne suis qu'une jeune " pompée ". Que trois petits jours depuis la pause. Et si je me donnais le droit de tomber ? Juste un peu. Juste pour mieux continuer. Et si je donnais du temps au temps ? Les oies passent et me rappelent de ne pas avoir peur du changement. Comme le printemps, je me refais de nouvelles racines. Comme le printemps, je n'ai que trois jours...

 J'ai hâte que le quotidien happe ce nouveau changement. J'ai hâte de pouvoir recommencer à peindre à pleine capacité. J'ai hâte que le stress tombe. J'ai hâte de vous refaire un nouveau message vous disant que je suis heureuse & comblée de mon choix.

Après 10 ans de contrôle , il m'est bien difficile de laisser entrer quelqu'un dans mon quotidien de diabétique. Quand je prends une glycémie, je cache le résultat. Pas question que vous regardiez par dessus mon épaule...

Même si le résultat est bon ?

Même si le résultat est bon...

Le protocole veut qu'après un temps, nous retournons voir l'infirmière du diabète, la nutritionniste etc... Et c'est ce que je fis. Entre vous & moi, j'y allais de reculons. Parce que je sais comment me piquer, je sais comment fonctionne les aiguilles & surtout, parce que je ne supporte pas de de me faire demander mes glycémies autre que par mon endocrinologue & la nutritionniste. 

C'est pas gentil pour l'infirmière...

C'est vrai. Ce n'est pas gentil. Mais j'ai développé un peu le syndrôme du "pas-touche". Pas-touche à mon lecteur, pas touche à mes effets de diabète. Mais elle était sympathique. Mais... je n'aime pas plus ça. J'ai faillis sauter de ma chaise lorsque la question a été posée : 

- " Qu'est ce que le diabète pour vous ? "

Pardon ? Le... Hein ? Après toutes ces années je dois vous dire qu'est ce que le diabète pour moi ? Avez-vous beaucoup de temps devant vous ? Avez-vous un sac de sable où je pourrais taper dedans tout en vous répondant ? Avez-vous une boîte de mouchoirs au cas-où... 

Bref, j'ai répondu : Une hygiène de vie imposée. 

J'ai presque pris mon doigt et dessiné trois points de suspension dans les airs. Mais s'aurait été trop.

Puis, j'ai eu l'impression que mon cerveau s'est déconnecté à la question : 

" Qu'est ce que le diabète."

Le... ? Qu'est ce que... ? Vraiment ? Je dois répondre à ça ? Je traîne cette maladie depuis 10 ans et vous croyez que je ne sais pas ce que c'est ? Que je n'ai pas lu des dizaines de livre passant par " Bien vivre son diabète " jusqu'à " Le diabète de type 1 pour les nuls " ? Vous croyez que je ne me tiens pas à jour sur le web, à savoir où l'on en est avec les recherches, les avancements ? Vraiment ? Je dois vous dire ce que c'est le diabète de type 1 ? Pincez-moi.

" Un pancréas qui ne fonctionne plus pour qui je dois faire le travail. "

C'est fou comment le cerveau peut penser vite. Avoir autant de pensées en même temps et voilà qu'une simple phrase fait sa place et décide que ce sera elle la réponse.

Ok, ok vous allez me dire que j'exagère, que c'est normal toutes ces questions, qu'ils veulent valider si je suis encore de ce monde & si je sais pourquoi je m'injecte 5 fois et plus par jour. 

En sortant de la pièce je me suis dis que j'en avais pour un autre 10 ans à chercher une réponse plus élaborée à la question " Qu'est ce que le diabète pour vous. " Et que finalement, la réponse sera la même.

Une hygiène de vie imposée...

J'étais entrain de mettre la table de mes assiettes blanches puis d'un coup ça m'a frappé. Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? Un petit clin d'oeil, une petite phrase, quelque chose pour nous encourager, nous faire sourire...

Je peins la porcelaine. Depuis deux ans maintenant. J'ai épluché plusieurs thèmes mais jamais celui du diabète. N'est ce pas une bonne idée ? Il faudra que je trouve de bonnes petites phrases. Rien de trop lourd, qu'une pointe d'humour. 

Avez-vous des idées ? Voici le lien de ma compagnie http://rizadabol.canalblog.com/

Imaginez vous assis à une table avec des amis. Vous manger, vous riez, passez du bon temps en bonne compagnie. D'un coup, la personne assise devant vous sort une petite pochette, dézippe le tout, se pique le bout du doigt & mets une goutte de sang sur une bandelette qui est insérée sur un petit appareil. Vous avez les yeux ronds ? Ce n'est pas tout. Elle doit maintenant s'injecter de l'insuline... Et elle le fait tout bonnement en riant des blagues des autres convives. C'est la première fois que vous voyez ça et vous en êtes... bouche-bée. 

C'est ce qui m'est arrivé il y a plusieurs années, en fait, quelques mois avant que je sois diabétique. J'étais à cette table et l'homme qui était assit devant moi était diabétique. Je n'avais jamais vu quelqu'un se piquer. Je me souviens d'avoir été très mal à l'aise. J'observais tout de ses gestes. Je ne pouvais pas croire qu'il allait sortir ses aiguilles à côté de son assiette & faire ce qu'il avait à faire. Je me souviens d'avoir cherché du regard quelqu'un d'autre qui l'observerait aussi mais non. C'était comme si j'étais la seule à le voir. Chacun continua à manger & à parler tout naturellement. Je ne savais même pas pourquoi il faisait tout ça... 

Ironiquement quelques mois plus tard j'ai su que j'étais diabétique aussi. (Ça s'attrape ? Bien sûr que non... hihi )

J'ai souvent repensé à ce moment. Je me suis demandée si j'allais être aussi à l'aise. Si j'allais étaler comme lui mes trucs en plein repas. Je me suis souvenu du malaise que j'avais ressentis parce que : j'avais peur du sang & des aiguilles. 

Bref, durant la première année je me suis presque toujours piquée dans les toilettes. Peu importe où j'étais, je ne voulais pas imposer ma maladie et mes aiguilles à personne. Ma peur était de faire évanouir quelqu'un. Puis, lasse d'aller toujours me cacher, j'ai peu à peu commencer à table très discrètement.. Ne riez pas, je me suis fais demander quelques fois qu'est ce que je regardais sous la nappe ! 

Avez-vous peur des aiguilles ? Seriez-vous à l'aise si quelqu'un prenait sa glycémie devant vous ?

J'essais d'être discrète mais j'avoue qu'avec un lecteur qui fait Biiiiiiiip biiiiiiiiip en prenant sa glycémie, c'est pas toujours réussit ! 

Riz

Je l'attendais depuis déjà un bon moment. Non pas parce qu'elle était en retard, c'est moi qui suis toujours d'avance. Elle est entrée, a posé ses valises pleine de papier & de formulaire.

Durant 2 heures elle m'a parlé de la pompe à insuline. Je l'ai manipulé, ( la pompe, pas la représentante) j'ai pesé sur les boutons, j'ai même  mis le petit collant où passera la tubulure sur mon ventre. Y'a pas à dire : on est loin des multiples injections !

Même si ça me fait un peu peur, je sais que je ne peux plus reculer. À lire toutes mes amies en France qui l'ont déjà, ça change la vie d'une diabétique. 

Cette nuit je me suis réveillée et j'ai imaginé que j'étais déjà sous pompe. J'essayais de me faire à l'idée qu'elle sera sur moi 24/24, 7 jours sur 7. Je me suis demandé où j'allais la mettre en dormant. Plusieurs m'ont dit " Tu la laisse libre dans ton lit et elle fait sa vie... " J'ai trouvé ça beau comme image. C'est sûrement ce que je ferai...

Et puis toutes les questions qui viennent : Comment je ferai pour la douche, pour le bain, comment les autres réagiront. 

J'ai déjà entendu 2 fois jusqu'à maintenant le mot " Robocop " en parlant de la pompe. Je ne suis pas certaine d'aimer...

Le changement fait toujours peur je crois. ( Hein docteur ? C'est normal dis ? )

Après la peur, la hâte est là. 

Allez les assurances, go ! 

Ceux qui me connaissent savent qu'en février je fêterai mes 10 ans de diabétique. Le 11 exactement. Vous allez rire mais oui, je soulignerai cet événement un peu comme une fête. Avec du gâteau et dix chandelles. Parce que je suis de nature à souligner tout mais surtout pour me féliciter d'avoir su rester debout même si les briques tombaient...

... Je me souviens d'avoir eu soif. Très soif. En fait, même si j'étais rendu à 92 livres ( j'avais perdu énormément de poids en 2 mois ) le symptôme qui m'a le plus alarmé était ma soif que je n'arrivais pas à contrôler. J'ai dû boire 10 litres d'eau par jour durant les deux semaines avant le diagnostique. J'étais moche, sans énergie & j'avais un appétit d'ogre. Le soir du 11 février je me coupa un morceau de gâteau au chocolat. Délicieux. J'en repris un deuxième morceau. Dé-li-cieux. Pourquoi pas un troisième ? Puis pendant que je frottais les chaudrons, j'eus tout doucement un engourdissement. Un peu comme lorsque vous êtes sur le point de vous endormir... J'étais seule à la maison, je me suis donc dis que le sofa m'avait l'air si confortable et que la vaisselle m'attendrait.

Le coma n'était pas loin. Après quelques heures & surtout après beaucoup de pression ( merci ! ) de la part de ma soeur qui est infirmière & qui savait que j'avais tout les symptômes du diabète, j'entrai à l'hopital pour y rester 7 jours. 

Je me souviendrai toujours de la tête du médecin qui prit ma glycémie à l'urgence : 38 mmol/l ( pssst ! Il faut être entre 4 et 7 ! ) 

Bref, ça fera 10 ans en février. Et j'ai presqu'envie de dire que j'étais heureuse d'avoir trouvé ce que j'avais. Parce qu'en hyperglycémie ( sucre haut dans le sang ) on donne l'impression qu'on a envie de rien & surtout, on a l'air paresseux... J'étais bien contente de faire un pied de nez aux mauvaises langues qui me traitaient de petite nature. Avec le diabète est venu la persévérance, la maturité & le goût de vivre pleinement. Drôlement positif ! 

Je suis prête pour un autre 10 ans. Sous pompe je l'espère ! 

Oui pourquoi ? 

Sûrement parce qu'après 10 ans de diabète, je me rends compte qu'il fait parti de ma vie, que je le veuille ou non. ( En fait je ne le " veux " pas mais je l'accepte oui ! ) 

Et puis parce que je suis rendu à une étape bien particulière ( bon je sais qu'en France ils sont presque tous sur pompe et ce n'est pas nouveau ) je passerai à la pompe dans très peu de temps. 

T'es certaine ? Toi qui ne voulais rien savoir de tout ça il y a quelques temps !

Après 10 ans  ( ce qui veux dire : près de 20 000 injections ) j'ai envie de voir autre chose... J'ai la chance d'être sur un forum extraordinaire pour les mamans diabétiques & c'est grâce à elles que j'ai pris ma précieuse décision.

Alors voilà le début de mon petit carnet sucré où quotidiennement je viendrai écrire quelques lignes sur le début de mon aventure avec cette nouvelle méthode de traitement et bien sûr, casser du sucre sur le dos de ce diabète que j'affectionne malgré tout...